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17 March 2007

Décès de Jean Baudrillard





Par Liberation.fr / AFP; LIBERATION.FR : mardi 6 mars 2007:

Décès de Jean Baudrillard, pourfendeur de la société de consommation et des médias
Le sociologue et philosophe est décédé mardi à Paris, à l'âge de 77 ans

Le sociologue et philosophe Jean Baudrillard, mort mardi à Paris à l'âge de 77 ans des suites d'une longue maladie, a porté pendant 40 ans un regard féroce sur la société de consommation, dont il a dénoncé l'insignifiance et prophétisé le déclin.

Issu de la mouvance de mai 1968, ce penseur de renommée internationale, et également photographe à l'oeuvre reconnue, a élaboré une critique radicale des médias, baignée d'humour noir et d'un pessimisme joyeux qu'il a instillé dans une cinquantaine de livres.

Né le 20 juillet 1929 à Reims, germaniste de formation et traducteur de Brecht, proche des situationnistes de Guy Debord dans les années 1960, Jean Baudrillard enseigne la sociologie à partir de 1966 à l'Université de Nanterre.

"Compte tenu de mes diplômes, je n'avais pas le choix. En 1965, la sociologie était la seule discipline qui restait ouverte. Au début, j'étais obligé d'apprendre au fur et à mesure ce que je devais enseigner à mes élèves", expliquait-il. En 1968 parait son premier livre de sociologie, "Le système des objets", suivi en 1970 de "La société de consommation".

Jean Baudrillard s'éloigne ensuite du marxisme et poursuit ses recherches en franc-tireur. "Les masses" ne sont plus pour lui les victimes de l'ordre social, mais les complices de cet ordre qui les enrichit, à cette époque des trente glorieuses finissantes.

Visage rond derrière de fortes lunettes, il tourne alors en dérision la prétention de la gauche unie de changer la vie et celle des intellectuels de peser sur les choix politiques. Sa philosophie, fondée sur la critique de la pensée scientifique traditionnelle, développe des idées fondées sur la simulation et la séduction.

"Intellectuel dégagé", pour les uns, "fossoyeur des utopies" pour les autres, Baudrillard est un penseur inclassable, devenu suspect à gauche, capable d'exhumer la pensée réactionnaire du philosophe Joseph de Maistre dans "La transparence du mal" (1990).

"Il faut vivre en intelligence avec le système et en révolte contre ses conséquences. Il faut vivre avec l'idée que nous avons survécu au pire", soutient-il alors.

Ce style cinglant, fait d'aphorismes parfois hermétiques, devient sa marque de fabrique. "Ce que j'écrirai aura de moins en moins de chance d'être compris. Mais ça, c'est mon problème. Je suis dans une logique de défi", prévient-il.

En 1986, un voyage aux Etats-Unis, dont il rentre subjugué, lui inspire "Amérique", feu d'artifice d'images et de traits philosophiques : "L'Amérique est la version originale de la modernité, nous en sommes la version doublée et sous-titrée"... "L'Amérique, c'est l'utopie réalisée".

Fuyant les médias qu'il s'évertue à décortiquer, il consacre en 2001 dans Libération plusieurs chroniques à l'émission "Loft Story", "laboratoire d'une convivialité de synthèse, d'une sociabilité télégéniquement modifiée".

Mais Baudrillard s'intéresse à tout ce qui fait l'actualité et les attentats du 11 septembre lui inspirent "Requiem pour les Twins Towers" l'année suivante.

Considéré tour à tour comme un nihiliste ou un moraliste, il a souvent été vivement critiqué. "En fin de compte, on peut se demander ce qu'il resterait de la pensée de Baudrillard si l'on retirait tout le vernis qui la recouvre", écrivaient ainsi en 1997 Alan Sokal et Jean Bricmont dans "Les impostures intellectuelles".

Jean Baudrillard se voyait lui en résistant. "La lâcheté intellectuelle, soutenait-il, est devenue la véritable discipline olympique de notre temps".

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